Les aspects économiques

1. Les ventes des livres autoédités

L’étude statistique de BoD

Il existe peu d’études sérieuses sur les chiffres de vente des livres autoédités. La plus détaillée a été publiée en mai 2020 par la société allemande BoD (Books on Demand GmbH). Plus de 3000 auteurs clients de BoD ont été interrogés par questionnaire en ligne en France, Allemagne, Autriche, Suisse, Danemark, Finlande, Suède et Espagne. L’analyse a été supervisée par un professeur d’université allemand.

Les résultats publiés (voir l’étude complète) indiquent que :

  • 31% des auteurs déclarent avoir réalisé une recette totale de moins de 100 euros (classe 1).
  • 30% des auteurs déclarent avoir réalisé une recette totale comprise entre 100 et 500 euros (classe 2).
  • 25% des auteurs déclarent avoir réalisé une recette totale comprise entre 500 et 5000 euros (classe 3).
  • 14% des auteurs déclarent avoir réalisé une recette totale supérieure à 5000 euros (classe 4).

Seuls 4% des auteurs ont publié en format ebook uniquement, 22% en version papier uniquement et 74% dans les deux modes.

À partir de ces chiffres, nous avons fait les hypothèses suivantes pour estimer le nombre moyen des ventes des livres papier :

  • chaque vente rapporte 5 euros,
  • les ventes des ebook ne contribuent que faiblement à la recette totale,
  • les classes 1 et 2 correspondent en majorité à des auteurs ayant vendu un seul titre; les classes 3 et 4 correspondent en majorité à des auteurs ayant vendu plusieurs titres.

On en déduit que :

  • 31% des auteurs on vendu moins de 20 exemplaires de leur ouvrage (classe 1),
  • 30% des auteurs ont vendu entre 20 et 100 exemplaires de leur ouvrage (classe 2).

On obtient par interpolation une estimation moyenne pour un titre d’environ 70 exemplaires vendus pour une recette de 350 euros.

Ce résultat est peut-être un peu surévalué pour les raisons suivantes :

  • les réponses sont déclaratives et donc probablement un peu optimistes,
  • il peut exister dans la classe 2 une petite proportion d’auteurs ayant commercialisé plus d’un titre,
  • les recettes des ebooks gonflent un peu le calcul du nombre d’exemplaires papier.

En sens contraire, on ne connaît pas l’ancienneté de la parution des auteurs qui ont répondu. Même si l’essentiel des ventes se fait dans les 6 mois qui suivent la parution, et on peut supposer qu’on a attendu ce délai pour sélectionner le panel, ceux-ci peuvent toujours espérer quelques ventes supplémentaires étagées dans le temps.

Nous proposons donc de retenir comme nombre moyen de ventes des livres papier une fourchette de 60-80 EXEMPLAIRES (soit 300-400 euros de recette).

Notre analyse

Sur le base de ces chiffres nous avançons l’analyse suivante :

  • le premier tiers (classe 1), qui vend moins de 20 exemplaires, correspond aux auteurs qui vendent uniquement dans leur cercle de relations sans aucune action de promotion;
  • le second tiers (classe 2), qui vend entre 20 et 100 exemplaires, correspond aux auteurs qui mènent quelques actions de promotion simples pour toucher des acheteurs en dehors de leur cercle de relations, comme par exemple des séances de dédicaces, de la publicité sur les réseaux sociaux, la tenue d’un blog ou d’un site auteur;
  • le gros troisième tiers, qui vend de 100 à 1000 exemplaires et plus, correspond aux auteurs qui ont une activité soutenue dans le domaine, avec souvent plusieurs titres commercialisés et la mise en œuvre d’actions marketing plus élaborées comme la construction d’une communauté de lecteurs sur les réseaux sociaux, la publicité dans les médias, la mise en place d’un site de vente en ligne, la participation à des salons et événements, la fourniture d’exemplaire gratuits (communiqués de presse et “service presse”), etc.

Au vu de ces chiffres, on ne peut que conseiller de ne pas engager des dépenses inconsidérées pour publier un livre, pas plus de 200 ou 300 euros.

2. Les autres modes de publication

Comment comparer ces chiffres avec ceux des autres modes de publication ?

  • Pour les éditeurs à compte d’auteur, point n’est besoin de grands calculs. Les ventes ne sont pas très différentes de celles en autoédition. Retenons très généreusement une moyenne de 200 exemplaires. Le revenu peut être estimé à 20% du prix du livre, soit 3 euros par exemplaire vendu. Soit un bénéfice de 600 euros auquel il faut soustraire la mise de fonds initiale de 1000 à 3000 euros. L’auteur subit donc une perte comprise entre 400 et 2400 euros, ce qui est normal puisque c’est lui qui finance le système et non les acheteurs.
  • Pour les éditeurs à compte d’éditeur, les statistiques sur les ventes des auteurs débutants chez les petits éditeurs ne sont pas connues avec précision. Pour l’ensemble de l’édition, y compris les livres scolaires, on estime les ventes à un peu moins de 3000 exemplaires en moyenne. Pour les débutants, Le Monde avance le chiffre de 400 exemplaires (“Les auteurs bien en peine de vivre de leur seule plume“, 2016), d’autres sources donnent 500 exemplaires. Les droits d’auteurs moyens sont de 8 à 10% du prix HT soit entre 1,2 et 1,4 euros pour un livre vendu 15 euros. On arrive donc à un revenu de l’ordre de 500-700 euros. Quand on connaît le parcours du combattant pour signer un contrat d’édition avec un éditeur à compte d’éditeur, ces chiffres sont assez décourageants ! Mais il reste toujours le rêve d’un hypothétique succès dépassant les 10 000 exemplaires…

3. Conclusions

Il est illusoire de se lancer dans l’écriture pour s’enrichir ou en faire un métier. Très peu d’auteurs y parviennent. Par contre il existe un risque de perdre pas mal d’argent en se laissant séduire par des mirages. Au départ, il faut demeurer très prudent dans ses investissements. 

L’écriture doit être envisagée initialement comme un loisir et un plaisir, et la publication comme un moyen de partager ce plaisir. La réussite n’est pas impossible, bien entendu ! Mais elle nécessite du talent, énormément de travail et un peu de chance. 

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